28/1/1915
Sus aux abus
[In: Le Bruxellois, 29/1/1915]
Dimanche dernier, c'est-à-dire hier soir, à 5 heures de relevée, un vicaire, M. l'abbé Gardyn, faisant une conférence au cercle de la rue Stéphanie à Laeken, stigmatisait les cyniques qui ne rougissent pas d'aller quémander à la soupe communale alors qu'ils possèdent des réserves d'argent. Il citait en exemple le cas d'une dame qui joue le jeu de la misère, se fait ainsi nourrir à l'oeil, et ...avait oublié, la veille, au local où l'on distribue les aliments aux pauvres, son porte-monnaie contenant 700 francs!
D'autres vont chercher de la soupe pour avoir le pain assuré chaque jour et jettant la soupe dans la rigole.
Des bourgeois connus vont acheter dans les magasins communaux de Schaerbeek et d'Ixelles des denrées à bas prix réservées, en principe, aux seuls ménages vraiment nécessiteux. D'autres revendent les vêtements qu'on leur distribue.
On murmure tout bas que certains intermédiaires, en relation avec le comité d'achat du Comité Solvay pour l'alimentation, se graisseraient les pattes et palpent des pots de vin scandaleux. On nous cite que nous nous refusons à croire avant qu'ils soient prouvés. M. l'officier de la police Ertel a, d'autre part, nous affirme-t-on, ouvert une enquête sur des faits similaires.
Dans certains faubourgs, la distribution des vivres, et notamment de la farine blanche, aurait fourni matière à diverses manoeuvres prévaricatrices au profit de quelques privilégiés de tout accabit. Attendons les détails promis.
Bref, il y a pas mal d'abus, inévitables, je le veux bien, mais qu'il faut tout comme pour l'odieux trafic des bons de charité à Saint-Gilles et d'ailleurs, surveiller et surtout réprimer avec une implaccable sévérité trop méritée.
Cette besogne est beaucoup plus urgente pour la police que la traque aux malheureux colpoteurs et la chasse aux gagne-petits qui peinent si dur sur le pavé pour ne point mendier et afin de gagner honnêtement leur vie et celle de leurs enfants.
A l'oeuvre donc, dame police!
Miraut