Assassinat de l’archiduc François-Ferdinand
Depuis la guerre russo-turque de 1875-1876, les Balkans sont une "poudrière". Les intérêts géo-politiques de l’empire austro-hongrois s’opposent au nationalisme pan slave de la Russie tsariste et de la Serbie et s’appuient sur la faiblesse de plus en plus patente de l’empire ottoman. En 1903, un coup d’Etat porte un prince pro russe sur le trône de Serbie, Pierre Karageorgevitch. Cinq ans plus tard, les sandjaks (divisions administratives) de Bosnie et d’Herzégovine, dans un premier temps administrés par les Autrichiens au nom de l’empire ottoman, sont finalement annexés par l’empire austro-hongrois, ce qui provoque la colère des Serbes et de la Russie tsariste. Les Autrichiens ont minutieusement choisi la date du voyage d’inspection de l’Archiduc François-Ferdinand et de son épouse à Sarajevo en Bosnie. Le 28 juin est une date importante du calendrier orthodoxe serbe, c’est le jour de Vidovdan ou Saint-Guy, mais cette journée commémore aussi la défaite serbe face aux Turcs en 1389 et le 14e anniversaire de mariage du couple princier. Sûrs d’eux, les Autrichiens ne tiennent pas compte de l’avertissement de l’ambassadeur de Serbie à Vienne. L’Archiduc n’écoute pas ses proches qui lui déconseillent d’aller à Sarajevo. Le couple princier arrive dans la capitale bosniaque sans escorte militaire. Après une visite houleuse à l’Hôtel de ville, François-Ferdinand souhaite rendre visite aux blessés d’un attentat perpétré dans la ville durant la matinée de sa visite. Mais le chauffeur se perd et, au niveau du pont latin, le nationaliste serbe Gavrilo Prinzip, membre du groupe "Jeune Bosnie", ouvre par deux fois le feu sur la voiture princière touchant l’Archiduc et sa femme qui meurent un quart d’heure plus tard. Les Serbes se réjouissent de l’événement, mais aussi tous ceux qui, à la Cour d’Autriche, n’apprécient pas les penchants slaves du prince héritier.
Déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Serbie
L’attentat de Sarajevo est un prétexte politique et international pour aviver plus encore les tensions nationalistes et impérialistes très présentes sur tout le continent européen depuis le dernier quart du 19e siècle, doublées d’une course aux armements. Juste après l’attentat, les Autrichiens lancent un ultimatum aux Serbes, le 7 juillet 1914. En même temps, l’Autriche s’assure de son alliance avec l’Allemagne en cas de guerre. Soutenue par la Russie, la Serbie rejette l’ultimatum et l’Autriche déclare la guerre à la Serbie le 28 juillet 1914. Ce qui a pour résultat un effet domino, la Russie alliée slave de la Serbie mobilise, la France, alliée de la Russie, en fait tout autant. Alliée quant à elle de l’Autriche-Hongrie, l’Allemagne suit le mouvement. Le 29 juillet, l’armée belge est mise sur "pied de paix renforcée" pour assurer la neutralité du pays. Le 4 août 1914, la guerre éclate dans toute son horreur. Par le jeu des alliances, le conflit est très rapidement une guerre mondiale.
Discours de Jean Jaurès au Cirque Royal à Bruxelles
Soucieux de pacifisme, le Bureau socialiste international multiplie les appels à la paix. A l’invitation d’Emile Vandervelde le président de la Seconde Internationale, l’homme politique socialiste français Jean Jaurès est invité au Cirque Royal à Bruxelles pour un meeting contre la guerre où il prononce un discours: "Si l’on pouvait lire dans le cœur des gouvernants, on pourrait y voir si vraiment ils sont contents de ce qu’ils ont fait. Ils voudraient être grands: ils mènent les peuples au bord de l’abîme: mais au dernier moment, ils hésitent; le cheval d’Attila effarouche encore mais il trébuche. Cette hésitation des dirigeants, il faut que nous la mettions à profit pour organiser la paix". Le lendemain Jaurès est assassiné à Paris au Café du Croissant par Raoul Villain, étudiant nationaliste revanchard.
Violation de la neutralité belge par l’Allemagne
La neutralité de la Belgique était reconnue dans le droit international, notamment par l’Allemagne. Le Kaiser, lui-même, avait promis de s’y tenir. Mais le 2 août 1914, tablant sur les liens familiaux de la Reine Elisabeth avec l’Allemagne, il lance un ultimatum à la Belgique pour laisser passer ses troupes et envahir la France, alliée de la Russie. Cet ultimatum est rejeté par le gouvernement et le Roi Albert Ier prononce son célèbre discours patriotique au Parlement: Un pays qui se défend s'impose au respect de tous, ce pays ne périt pas. J'ai foi en nos destinées. C’est la guerre: les troupes allemandes envahissent le pays. Après d’âpres combats dans les provinces wallonnes, mêlant des soldats français et belges, l’envahisseur se trouve aux portes de Bruxelles le 19 août.
Entrée des Allemands à Bruxelles
L’entrée des Allemands à Bruxelles se déroule dans le calme et la résignation. Frappé par la violence des combats dans les villes wallonnes, comme par exemple à Dinant, le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles Adolphe Max appelle ses concitoyens à ne pas prendre les armes contre l’envahisseur. Espérant la Belgique libre et indépendante, il annonce un résistance pacifique et demande la confiance de ses administrés qu’il ne trahira jamais: Aussi longtemps que je serai en vie et en liberté, je protégerai de toutes mes forces les droits et la dignité de mes concitoyens.
Défaite russe à Tannenberg
La bataille de Tannenberg a lieu sur un territoire hautement chargé d’histoire nationaliste puisqu’au Moyen Age le royaume de Pologne-Lituanie s’y était opposé avec succès aux chevaliers de l’Ordre teutonique. Cette fois, en 1914, les Russes sont écrasés par la force allemande, victorieuse, qui capture plusieurs dizaines de milliers de prisonniers et saisit un important matériel militaire, notamment des canons et des chevaux. Sur le front de l’Est, la guerre s’annonce très longue aussi.
Bataille de la Marne
La bataille de la Marne se solde par une retraite des Allemands et une victoire française, protégeant ainsi l’invasion de Paris et mettant fin à la course vers la mer. Menée par le maréchal Joffre, cette bataille bénéficie du secours d’une division supplémentaire envoyée sur ordre du gouverneur militaire de Paris grâce à la réquisition des fameux "taxis de la Marne".
Arrestation d’Adolphe Max
Le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Adolphe Max, s’est efforcé dès le début de la guerre à pratiquer une politique de résistance pacifique afin d’éviter toutes représailles de la part de l’occupant. Le 16 septembre, il appelle les Bruxellois à se résigner à l’interdiction allemande d’arborer les couleurs nationales jugées blessantes pour les troupes ennemies et à accepter ce nouveau "sacrifice" en attendant "patiemment l’heure de la réparation". Pendant les premières semaines de la guerre, Max s’investit totalement dans le soutien de ses concitoyens, notamment pour l’organisation des secours des réfugiés et des familles de soldats au front. Il veille au ravitaillement de la ville et tente de prévenir tout débordement. Mais le 26 septembre, en réponse à la suspension allemande des bons de réquisitions, Max refuse de continuer à payer le solde de la contribution de guerre due par la Ville. Déjà fort irrités précédemment par son attitude très ferme à leur égard, les Allemands procèdent à l’arrestation du Bourgmestre pour motif d’insoumission. Emprisonné en Allemagne, Adolphe Max devient l’icône de la Résistance et reçoit des milliers de lettres de soutien de la part de ses administrés. La colère que je ressens de n’être pas en ce moment à mon poste, laissera en moi des traces qui ne s’effaceront jamais. Mais je ne suis ni découragé ni démoralisé. Moins que jamais, je doute de l’avenir. Ma confiance et mon espoir grandissent chaque jour…, écrit-il à Madame P. Vandervelde le 12 décembre 1914. Libéré à la fin de la guerre, il revient en héros à Bruxelles le 17 novembre 1918.
Mise en circulation du Reichsmark en Belgique
Après avoir tenté en août 1914 de mettre la main sur l’encaisse de l’Etat à la Banque Nationale dont les billets et la réserve d’or étaient déjà transférés à Londres, l’occupant suspend son privilège d’émission et le confie à la Société générale. Il fixe des impôts et des amendes de guerre dans sa devise dont il arrête avantageusement le change. Il met aussi en circulation le Reichsmark comme unité de paiement légal en Belgique, touchant encore un peu plus à la souveraineté nationale. 800 communes décident d’émettre des "monnaies de nécessité" pour parer aux problèmes de circulation monétaire.
Chute d’Anvers
Dès l’occupation de Bruxelles à la fin du mois d’août et afin d’épargner les forces militaires belges, le Roi Albert décide de replier son armée à Anvers, protégée par un ensemble de forteresses. Ce retranchement gène considérablement les Allemands qui décident début septembre d’en finir. La conservation d’Anvers est évidemment importante pour les Belges et les Alliés à cause de sa situation portuaire stratégique. Devant la force de frappe, le Roi ne peut qu’organiser la retraite et la place d’Anvers capitule le 10 octobre. L’armée belge se retire derrière l’Yser où une nouvelle bataille les attend quelques jours plus tard.
Le Gouvernement belge se rend au Havre
Le Gouvernement d’union nationale du baron de Broqueville quitte Bruxelles le 17 août 1914 pour Anvers, puis se retranche à Ostende le 10 octobre. Trois jours plus tard, il se rend au Havre à bord de deux bateaux et s’installe à Sainte-Adresse, où il ne jouit pas de l’exterritorialité, mais bénéficie de la bienfaisance des autorités françaises. Le chef du gouvernement Charles de Broqueville rejoint Le Havre après avoir supervisé le bon acheminement du ravitaillement pour les troupes belges à Dunkerque. Le Roi, quant à lui, s’installe pour la durée de la guerre à La Panne. Le Parlement belge ne se réunit plus du 4 août 1914 à l’automne 1918, vu que la grande majorité des parlementaires reste en Belgique occupée. La Belgique est le seul pays parmi les belligérants dont le Parlement ne siège pas pendant les hostilités. Les lois sont remplacées par des arrêtés-lois ou des décrets délibérés en Conseil des Ministres. Un arrêté-loi de 1916 prolonge le mandat des parlementaires, le pays se trouvant dans l’impossibilité d’organiser des élections législatives. Dès le début de la guerre, le Gouvernement catholique s’ouvre à d’autres partis pour former un gouvernement d’union nationale: en août 1914, trois ministres d’État sans portefeuille se joignent au gouvernement d’union nationale: les libéraux Paul Hymans et Eugène Goblet d’Alviella et le socialiste Émile Vandervelde. En 1916, Henry Beyens remplace Julien Davignon au poste de ministre des Affaires étrangères ; en août 1917, Vandervelde devient le nouveau ministre de l’Intendance et en octobre de la même année, Hymans est nommé ministre des Affaires étrangères.
Bataille de l’Yser et d’Ypres
Derrière l’Yser où elle s’est retranchée après la chute d’Anvers, l’armée belge bien qu’inférieure en nombre défend avec opiniâtreté ses positions. Le 24 octobre, elle est renforcée par une brigade française. Le lendemain, elle décide d’inonder la plaine de Nieuport à Dixmude en ouvrant les écluses. Le flot de plus en plus violent oblige les Allemands à reculer et à se retrancher. L’Yser devient ensuite la ligne de front et la nouvelle "frontière" entre le reliquat d’une Belgique libre et le reste du pays occupé. La guerre de mouvement fait place à la guerre de tranchée, de la mer du Nord à la Suisse. C’est l’enfer des "boyaux de la mort", décrit par de nombreux soldats, comme ce marin français, premier maître fusilier Déniel, tué le 16 décembre: Nous vivons en vrais sauvages. Traumatisés par l’étendue des pertes humaines, les soldats allemands et britanniques improvisent une trêve de Noël, le 25 décembre 1914, en entonnant des chants et en s’échangeant de petits cadeaux.
Création de la "Commission for Relief in Belgium"
L’invasion a totalement bouleversé la vie économique du pays: coup d’arrêt au commerce, fermeture d’usines, chômage forcé des ouvriers, suspension des payements de l’Etat. La misère est la première conséquence directe de l’occupation. A la peur des exactions de l’envahisseur, s’ajoute l’angoisse de ne pas trouver de quoi se nourrir. Le 19 octobre 1914, le financier belge Emile Francqui et Herbert Hoover, ingénieur et futur homme politique américain, qui se connaissent de grands chantiers en Chine, se rencontrent à Londres et fondent la "Commission for Relief in Belgium" (CRB), visant à approvisionner le pays en denrées alimentaires. Ils obtiennent le protectorat diplomatique de l’Espagne et des Etats-Unis pour l’achat et le transfert des vivres vers la Belgique. En mer, le Royaume-Uni accorde aux bateaux de la CRB un sauf-conduit pour déroger au blocus continental. Sur le territoire national, c’est le "Comité National de Secours et d’Alimentation" (CNSA) qui en assure la distribution équitable. Créé au départ à Bruxelles pour les Bruxellois, peu de temps après l’invasion allemande, le CNSA déploie rapidement son action de manière décentralisée vers toutes les provinces et communes de Belgique. Tout ce qui touche à l’acheminement d’alimentation se fait sous forme de transactions comptables, alors que les départements de secours sont, quant à eux, financés sur les bénéfices de l’alimentation et les dons provenant de la Belgique ou de l’étranger. Ernest Solvay accepte la présidence du CNSA en le dotant d’un subside considérable pour ses frais de fonctionnement.
Déclaration de guerre de la France et de la Grande-Bretagne à l’Empire ottoman
Malgré sa réputation d’"homme malade" de l’Europe, l’empire ottoman entre en guerre en se rangeant du côté de la "Triple Alliance" (les empires centraux d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie ainsi que l’Italie qui changera de camp en 1915). Dès lors, il s’oppose aux pays de la "Triple Entente" (France; Russie; Royaume-Uni) auxquels la Belgique, la Serbie, le Monténégro sont alliés ainsi que le Japon qui déclare la guerre à l’Allemagne le 23 août comme allié de l’Angleterre.
Introduction de l’heure allemande
Cherchant à uniformiser au maximum l’administration de ses nouveaux territoires, l’Allemagne impose l’heure d’Europe centrale (Greenwich +1), restée d’application jusqu’à nos jours. La pratique de l’heure d’été est également introduite par les Allemands en 1916 (Greenwich +2).
Nomination du Gouverneur Général von Bissing
Le général de cavalerie Moritz von Bissing est désigné comme nouveau gouverneur général en Belgique pour remplacer Colmar von der Golz, nommé par le Kaiser en Turquie afin d’y mener des opérations militaires. von Bissing arrive en Belgique au moment où les Allemands subissent des difficultés sur le front de l’Yser. Il s’adonne à des vastes campagnes d’information et de propagande par voie d’affichage auprès des populations civiles occupées. Il s’attaque à la Résistance, en condamnant notamment à mort Edith Cavell. Il prône une division administrative de la Belgique, en séparant la Flandre de la Wallonie.
Bombardement des ports de Whitby et Hartlepool
Dans le cadre de la campagne de blocus allemand des côtes anglaises, des navires de guerre allemands posent des mines et bombardent des ports dans les mois de novembre et décembre 1914. Le summum est atteint le 16 décembre, lorsqu’une escadre de croiseurs lourds allemands commandée par l’amiral Franz von Hipper, bombarde les ports de Whitby et de Hartlepool sur la côte Est de la Grande-Bretagne, faisant 700 victimes civiles. Ces brèves attaques n’influent pas le cours de la guerre, mais le nombre de civils tués et les dégâts matériels ont des répercussions immenses sur le moral de l’establishment anglais.
Lettre pastorale "Patriotisme et Endurance" du Cardinal Mercier
Pendant toute la durée de la guerre, le Cardinal Mercier s’efforce d’encourager et de soutenir les fidèles catholiques, par la voie de lettres pastorales lues le dimanche à la messe. Alors qu’il revient du conclave qui venait d’élire au mois d’août le nouveau pape Benoît XV, le primat de Belgique est profondément choqué par la situation de son pays. Son texte écrit pour la Noël 1914, "Patriotisme et Endurance", est une réflexion théologique et morale sur la résistance: Ce pouvoir n’est pas une autorité légitime. Et, dès lors dans l’intimité de votre âme, vous ne lui devez ni estime, ni attachement, ni obéissance.
Bombardements de terreur par Zeppelins allemands en Angleterre
Le premier bombardement aérien stratégique de terreur sur la Grande Bretagne a lieu dans la nuit du 19 au 20 janvier 1915. Deux zeppelins (Luftshiffe L 3 et L 4) bombardent l’est de la Grande Bretagne et tuent 20 civils. Jusqu’en 1918, pas moins de 55 attaques aériennes sont menées par des dirigeables de l’Armée et de la Marine allemandes ; 203 tonnes de bombes sont lâchées, faisant plus de 500 morts et plus de mille blessés civils. Ce nombre élevé de victimes s’explique par le fait que le survol de zeppelins était considéré au départ comme une simple curiosité. À chaque alerte, on sortait voir apparaître les longs cigares sombres passer au-dessus des têtes. Afin de stigmatiser la population, la propagande britannique met l’accent sur les innocentes victimes des bombardements et baptisent les zeppelins les «baby killers». Bientôt, la défense antiaérienne du Royaume Uni prend le dessus. Elle s’équipe d’avions de chasse pouvant voler plus vite et plus haut, de canons performants et de puissants projecteurs, afin de neutraliser les zeppelins. Dans le courant de 1917, les Allemands utilisent de plus en plus des bombardiers à long rayon d’action, reléguant leurs fragiles dirigeables à des tâches de reconnaissance maritime. Entre 1915 et 1917, les Allemands perdent 30 zeppelins sur 84 envoyés par-dessus la Grande Bretagne.
Création de l’Oeuvre Nationale des Orphelins de Guerre
Le Comité National de Secours et d’Alimentation émet le vœu de s’occuper des œuvres de l’enfance et plus particulièrement des orphelins, un problème humanitaire pressant. Si, au départ, les divergences idéologiques entre catholiques d’une part, libéraux et socialistes d’autre part se ressentent, une entente cordiale entre les protagonistes voit le jour pour créer une seule "Œuvre Nationale des Orphelins de la Guerre" unifiée. Le cardinal Mercier en est le président d’honneur et Émile Francqui, le directeur du Comité de direction.
Première utilisation du gaz asphyxiant à Ypres
La première attaque au gaz asphyxiant (chlore) est lancée par les Allemands sur le front de l’est au tournant des années 1914-1915, mais les Russes ne se rendent compte de rien, à cause des conditions météorologiques qui leur sont favorables. Le chlore atteint les yeux, la gorge, le nez, les poumons et à forte concentration entraîne la mort par asphyxie. Une nouvelle attaque au chlore est planifiée le 22 avril 1915 sur le front d’Ypres face aux troupes coloniales françaises et aux troupes britanniques. Les gaz sont envoyés dans les airs à l’aide de quatre mille tuyaux cylindriques enfoncés dans le sol, le vent devant souffler dans la direction de l’ennemi. Les soldats français et anglais pris de panique laissent une brèche de 8 km de large dans le front allié. Ces nuages de gaz se dissipent toutefois assez vite. Afin d’améliorer la précision de l’attaque, les Allemands utilisent ensuite des obus chargés d’une certaine quantité de poudre et d’une poche de gaz, qui se répand après l’explosion de l’obus. Plus tard, les Alliés en font de même et les Français deviennent même des experts dans la fabrication d’obus chargés au gaz. Un autre gaz, resté dans la mémoire collective, l’Ypérite (à cause d’Ypres) ou gaz moutarde (à cause de son odeur) fait quant à lui son apparition, deux ans plus tard, sur le front de l’Ouest, en avril 1917. Ce gaz vésicant (sulfure d’éthyle dichloré) s’attaque à tout l’organisme (yeux, muqueuses, poumons, peau, anémie, immunité) ; il est aussi nocif pour l’environnement, car il reste présent dans le sol. Ces armes sont responsables de la mort de 4% des soldats tués pendant la Grande Guerre. La peur et l’angoisse, occasionnées par la vue des «gazés» mutilés à vie, poussent les grandes puissances à condamner et à bannir ces armes de destruction massive lors des traités de désarmement durant l’entre-deux-guerres. Comble de l’ironie, le concepteur allemand du gaz à base de chlore, le savant nationaliste Fritz Haber, reçoit le prix Nobel de Chimie en 1918 pour ses recherches sur la synthèse de l’ammoniac.
Début du génocide arménien
La position des Arméniens au sein de l’empire ottoman est extrêmement délicate depuis la fin du 19e siècle. De nombreuses victimes tombent au nom du nationalisme ottoman qui ne peut supporter le programme de réformes politiques et d’indépendance défendu par les Arméniens. En novembre 1914, l’empire ottoman s’associe aux empires centraux et déclare la guerre aux pays de l’Entente (Russie, Grande-Bretagne, France). Les Arméniens choisissent le camp des Russes, leurs coreligionnaires chrétiens, qui pénètrent dans l’empire ottoman. En avril 1915, la ville de Van, à l’Est de l’empire, se soulève et proclame un gouvernement arménien indépendant; les Alliés débarquent à Gallipoli, porte d’entrée vers Constantinople. La réaction ottomane est brutale et terrifiante. Tous les Arméniens vivant en Asie mineure, une région considérée comme le foyer national du peuple turc, sont physiquement éliminés. D’abord l’élite intellectuelle arménienne de Constantinople et ensuite les officiers et soldats arméniens sont massacrés. Les Arméniens des provinces orientales subissent le même sort. Les hommes qui ne sont pas abattus sur place sont déportés en même temps que les femmes et les enfants vers la Syrie ottomane. Beaucoup meurent de faim et de soif en cours de route. Les autres Arméniens de l’empire subissent le même sort en septembre. Ils sont convoyés vers Alep dans des wagons à bestiaux puis transférés dans des camps de concentration en zone désertique où ils ne tardent pas à succomber à leur tour. Au total deux tiers de la population arménienne sous souveraineté ottomane disparaît pendant l’été 1915.
Bataille des Dardanelles
Croyant pouvoir se frayer un passage par le détroit des Dardanelles afin d’atteindre le cœur de l’empire ottoman, Constantinople, et de contraindre les Turcs à la reddition, le gouvernement britannique (Lord de la Mer, W. Churchill) décide de débarquer un fort contingent sur la péninsule de Gallipoli. Les troupes britanniques et de l’ANZAC (Australia New Zealand Army Corps) débarquent à trois endroits différents de la péninsule de Gallipoli, appuyés par des navires de guerre alliés. Les Britanniques sont pris sous un feu nourri provenant des forts turcs surplombant les plages de débarquement. Les objectifs assignés aux troupes alliées, des points situés en hauteur, ne sont pas atteints. Le réveil turc a été rapide, entre autres grâce à l’intervention d’un officier turc bientôt célèbre, Mustapha Kemal, futur Atatürk. Les troupes alliées et turques lancent des attaques et des contre-attaques sanglantes, sans gains notables. Les Alliés sont cloués sur place. Un nouveau débarquement au Nord de la péninsule, le 6 août 1915, se solde par un échec, les Turcs dominant les points élevés. L’état-major demande de nouveaux renforts, mais le gouvernement pense sérieusement à arrêter la boucherie. Après une mission d’enquête, le gouvernement britannique décide de rapatrier une partie de ses troupes, rapatriement qui s’échelonne du 7 au 20 décembre 1915. Les dernières troupes rembarquent entre le 28 décembre 1915 et le 8 janvier 1916. Les Turcs n’ont pas réagi pendant le rembarquement. Pertes alliées: 252.000 hommes; pertes turques: 250.000 hommes.
Déclaration de guerre de l’Italie contre l’Autriche-Hongrie
Au début de la guerre, l’Italie fait partie de la Triplice avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Plus tard, elle négocie secrètement son changement de camp avec les pays de l’entente. Les termes de cette négociation portent notamment sur la promesse de gains territoriaux importants pour l’Italie, détachés entre autres de l’empire austro-hongrois, comme les villes de Trieste ou de Pola sur la mer adriatique, en cas de victoire contre l’ennemi. Ces emprises territoriales italiennes font d’ailleurs l’objet d’âpres négociations lors du traité de Versailles en 1919. Trieste est toujours italienne. Après la Seconde guerre mondiale, Pola est rattachée à la Yougoslavie, dans l’actuelle Croatie.
Naufrage du Lusitania
Le paquebot RMS Lusitania, reliant New York à Liverpool, est coulé par le sous-marin allemand U-20 dans la mer d’Irlande. Parmi les 1198 victimes civiles, figurent 124 américains et une belge, l’épouse du Dr Antoine Lepage, Marie Lepage, revenant d’une tournée de récolte de fonds aux États-Unis. La question du transport illicite de munitions et d’armes à bord du Lusitania, navire civil battant pavillon britannique, reste ouverte. Les eaux territoriales britanniques avaient été déclarées zones de guerre par le gouvernement allemand. Or, d’après la propagande allemande, le navire transportait des munitions qui auraient été la cause du naufrage rapide en 18 minutes. Les avis des experts sont à l’heure actuelle toujours assez divisés sur cette question et des recherches sont encore en cours dans les derniers restes de l’épave sous-marine. Ce torpillage a causé une vive émotion dans la population britannique; les États-Unis d’Amérique ne rentreront cependant en guerre que deux ans plus tard.
Elan patriotique des restaurateurs et cafetiers bruxellois
L’occupant allemand interdit toute manifestation patriotique à l’occasion de la fête nationale belge, la première depuis l’occupation de Bruxelles le 20 août 1914. Comment résister? De nombreux restaurateurs, cafetiers et commerçants bruxellois décident tout simplement de fermer leur enseigne.
Conférence socialiste internationale à Zimmerwald
Objectif: rassembler les socialistes fidèles à l’Internationalisme, lutter contre la guerre et contre le triomphe du chauvinisme et du militarisme dans la social-démocratie, contre la participation à des gouvernements d’Union sacrée, considérés comme nationalistes. 38 délégués socialistes provenant de divers pays européens (Allemagne, France, Russie, Italie, Grande-Bretagne, Suisse, Suède, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Bulgarie) et le Bund, organisation socialiste des travailleurs juifs de l’Europe de l’Est, se réunissent à Zimmerwald, un petit village de Suisse. Dans leur manifeste, rédigé par Léon Trotsky, ils dénoncent le capitalisme, l’impérialisme, le chauvinisme et le militarisme comme les causes de la barbarie et de la guerre. Ils exhortent les travailleurs à s’unir contre la guerre et à lutter pour la paix: «Il faut entreprendre cette lutte pour la paix, pour la paix sans annexions ni indemnités de guerre. Mais une telle paix n’est possible qu’à condition de condamner toute pensée de violation du droit et des libertés des peuples».
Nouvelles tentatives de percées en Champagne et en Artois
La stratégie est de ne pas laisser les Allemands s’attaquer aux alliés séparément: selon le Général Joffre, l’Entente doit attaquer ensemble et sans relâche. Une troupe sur la défensive perd ses capacités physiques et morales. Les Français attaquent donc en Champagne et les Britanniques en Artois. L’état-major français, Joffre en tête, pense détenir la clé de la réussite: en rassemblant un plus grand nombre de pièces d’artillerie lourde et en attaquant sur un front suffisamment large, une percée serait enfin possible. Des troupes de réserve sont à disposition afin de pouvoir percer au-delà des premières lignes. Mais la portée de l’artillerie lourde française ne s’avère toutefois pas assez longue pour atteindre la deuxième ligne de fortifications allemande, en retrait par rapport au front. De plus, cette ligne est creusée en contre-pente afin d’échapper aux observations aériennes des alliés. Le résultat se solde par d’effroyables pertes humaines et pour un gain territorial insignifiant.
Entrée en guerre de la Bulgarie
Courtisée depuis le début du conflit tantôt par les alliés, tantôt par les puissances centrales, la Bulgarie finit par se ranger du côté de la Triplice. Elle espère en échange pouvoir agrandir son territoire, notamment sur la Macédoine serbe qui appartient à l’Empire ottoman. Au courant de ces tractations, les Alliés posent un ultimatum au roi Ferdinand de Bulgarie. Celui-ci le refusant, la Bulgarie entre dans la Première Guerre mondiale.
Exécution de l’infirmière d’origine anglaise Édith Cavell
L’infirmière britannique Édith Cavell (1865-1915) incarne l’image de la résistance contre l’ennemi. Soignant de nombreux soldats alliés blessés, elle les aide à regagner leurs unités. Dénoncée, elle est arrêtée par les Allemands, arbitrairement jugée, sans l’aide d’avocat, et lâchement exécutée le 12 octobre 1915 au Tir national à Schaerbeek (lieu actuel de la RTBF). Son histoire dramatique, très connue outre-Manche, sert pendant la guerre au gouvernement et à l’armée pour susciter l’émotion de la population britannique et le recrutement de nouveaux soldats. La dépouille mortelle d’Edith Cavell est transférée après la guerre, en 1919, à Londres.
Conférence interalliée de Chantilly
Après les échecs des offensives alliées en Champagne, en Artois, en Flandres et dans les Balkans, les alliés se rencontrent à Chantilly pour préparer de nouveaux assauts en 1916.
Début de la bataille de Verdun
Déclaration de guerre de l’Allemagne au Portugal
Exécution de Gabrielle Petit
Insurrection irlandaise
Bataille navale de Jutland
Offensive du général russe Broussilov
Début de la bataille de la Somme
Amende d’un million de mark pour la Ville de Bruxelles
Traité d’alliance entre la Roumanie et les pays de l’Entente (Alliés)
Première utilisation des chars d’assaut par les Anglais
Victoire belge à Tabora contre les troupes allemandes de l’Est africain
Déclaration de guerre de la Grèce contre la Bulgarie et contre l’Allemagne
Dégradation de la situation alimentaire en Belgique
Radicalisation de la guerre sous-marine par l’Allemagne
Révolution (bourgeoise) russe (Kerenski)
Séparation administrative entre la Flandre et la Wallonie
Entrée en guerre des Etats-Unis
Nomination du gouverneur général von Falkenhausen
Arrestation de l’Echevin Maurice Lemonnier, bourgmestre faisant fonction de la Ville de Bruxelles
Début des mutineries dans l’armée française
Victoire des Arabes à Aqaba (Laurence d’Arabie)
Révolution bolchevique en Russie
Offensive autrichienne en Italie
Victoire des Canadiens à Passchendaele
Paix séparée entre l’Allemagne et l’Ukraine
Traité de paix de Brest-Litovsk
Nouvelle offensive allemande en Flandre
Traité de paix de Bucarest
Bombardement de Paris par la "Grosse Bertha"
Début de la contre-attaque alliée
Epidémie de grippe espagnole
Abidcation du Kaiser et proclamation de la république de Weimar
Armistice. Entrevue de Lophem
Proclamation de la libération de Bruxelles et retour solennel d’Adolphe Max
Entrée du Roi Albert à Bruxelles
Funérailles nationales de quinze héros
Signature du Traité de Versailles
Création de l’Oeuvre Nationale de l’Enfance
Premières élections législatives au suffrage universel pour les hommes
Transfert du soldat inconnu à Bruxelles